Comment est fixée la date de cessation des paiements ?

L’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire à l’encontre d’une entreprise suppose que celle-ci soit en cessation des paiements. Comment le tribunal fixe-t-il cette date ? Et dans quelles mesures est-il possible de la contester ? Réponses au regard d’un cas jugé récemment.

 

Il est jugé qu’une entreprise ne peut pas contester la date de cessation de ses paiements dès lors qu’à cette date elle est redevable d’un lourd arriéré au titre d’un prêt bancaire, ne dispose d’aucune trésorerie ni d’un autre actif disponible.

Les faits

Une société constituée pour la construction d’une maison de santé est mise en liquidation judiciaire à la demande de la caution professionnelle qui, ayant garanti le prêt destiné à financer la construction, en a remboursé les échéances restées impayées.

Une cour d’appel fixe la date de cessation des paiements de la société au 31‑12‑2022, ce que conteste la société.

La décision

La Cour de cassation relève qu’à la date précitée la société débitrice ne disposait d’aucun actif disponible et qu’elle était dans l’incapacité de faire face à son passif constitué des mensualités impayées. En effet, la société n’avait payé aucune des échéances du prêt depuis le mois de septembre 2022 et l’arriéré au 31‑1‑2024 s’élevait à la somme de 636 500 €, représentant 17 mensualités. Une saisie-attribution avait révélé que son compte bancaire présentait un solde négatif de 100 000 € ; les immeubles en cours de construction, dont le chantier était à l’arrêt, ne pouvaient pas constituer un actif disponible.

Elle décide donc que l’état de cessation des paiements était donc établi, et il y avait lieu d’en fixer la date au 31‑12‑2022, maximum du report autorisé par la loi, en considération de l’incapacité de la société débitrice de faire face aux échéances du prêt dès le mois de septembre 2022.

La date de cessation des paiements

Impossibilité pour une société de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. L’ouverture d’une liquidation judiciaire à l’encontre d’une entreprise suppose que celle-ci soit en cessation des paiements, c’est-à-dire qu’elle ne puisse pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible (C. com. art. L 640-1), et que son redressement soit manifestement impossible. La cessation des paiements est aussi une condition d’ouverture du redressement judiciaire (C. com. art. L 631-1). La caractérisation de la cessation des paiements suppose une comparaison chiffrée entre le passif exigible et l’actif disponible (CA Paris 6‑3‑2018 n° 1711063).

À noter. Les actifs immobiliers de l’entreprise ne constituent pas des actifs disponibles (Cass. com. 7‑2‑2012 n° 11-11.347 ; Cass. com. 17‑6‑2020 n° 18-22.747), à moins qu’ils n’aient déjà été vendus et leur prix payé (Cass. com. 24‑3‑2021 n° 19-21.424).

Une date fixée par le tribunal. Le tribunal qui ouvre le redressement ou la liquidation judiciaire (ou la cour d’appel sur recours) fixe la date de cessation des paiements, cette date ne pouvant pas être antérieure de plus de 18 mois à celle du jugement d’ouverture de la procédure collective ni antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable dans le cadre d’une procédure de conciliation, sauf cas de fraude (C. com. art. L 631-8, al. 2). Tel est le report maximal autorisé auquel l’arrêt fait ici référence, sans qu’on sache lequel de ces deux cas s’appliquait à la société (probablement le premier).

Conséquences. Attention, la fixation de la date de cessation des paiements n’est pas dénuée de conséquences. Ainsi :

  • les actes passés par l’entreprise entre cette date et celle du jugement ouvrant la procédure collective sont nuls ou annulables (nullités dites de la « période suspecte » ; C. com. art. L 632-1, L 632-2 et L 641-14) ;
  • le défaut de déclaration par l’entreprise ou par son dirigeant de l’état de cessation des paiements dans les 45 jours de sa survenance peut être sanctionné par une interdiction de gérer (C. com. art. L 653-8, al. 3), voire par une condamnation à combler le passif (notamment, Cass. com. 4‑7‑2018 n° 14-20.117).

 

Cass. com. 1‑10‑2025 n° 24-18.835

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