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Substitution de base légale : un important revirement de jurisprudence
La Cour de cassation opère un important revirement de jurisprudence et décide, par un arrêt du 8-10-2025, que l'administration peut désormais demander au juge, à tout moment de l'instance, y compris pour la première fois en appel, de retenir un motif autre que celui indiqué dans la proposition de rectification sans en avoir avisé le contribuable par une nouvelle notification. Le juge pourra, après un débat contradictoire, retenir ce nouveau motif à la condition que la substitution proposée par l'administration ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi.
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Plusieurs éléments pour une seule opération : quel taux de TVA ?
Lorsqu’une opération est composée de plusieurs éléments, la question se pose des modalités de facturation de la TVA. Faut-il appliquer un régime unique à ces différents éléments ou leurs propres régimes, parfois distincts ? Un arrêt du Conseil d’État rendu récemment détaille très clairement les éléments permettant de qualifier une opération complexe unique et une prestation accessoire non indépendante au titre de la TVA.
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Dirigeant : traitement fiscal des frais de déplacement non justifiés
Les frais de déplacement d’un gérant, s’ils ne sont pas justifiés, ne seront requalifiés en revenus de capitaux mobiliers que s’ils n’ont pas fait l’objet d’une comptabilisation explicite, que leur montant porte la rémunération globale à un niveau excessif, ou que leur versement est dépourvu de tout lien avec ses fonctions. En dehors de ces trois cas, ils sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.
Projet de loi de finances pour 2026 : les mesures en faveur des exploitants agricoles
Le projet de loi de finances pour 2026 contient une série de mesures visant notamment à proroger certains dispositifs, ainsi qu’à en sécuriser d’autres, ceci afin de prolonger l’engagement du Gouvernement en faveur du monde agricole.

Prorogation de la déduction pour épargne de précaution (art. 10, I-A et II)
Pour les exercices clos du 1-1-2019 au 31-12-2025 (Loi 2022-1726 du 30-12-2022 art. 49), les exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition peuvent pratiquer une déduction pour épargne de précaution à condition d'inscrire une somme comprise entre 50 % et 100 % de son montant à un compte courant ouvert auprès d'un établissement de crédit (épargne monétaire) et à l'actif du bilan (CGI art. 73). La déduction pour épargne de précaution (DEP) est plafonnée, par exercice de 12 mois, en fonction du bénéfice imposable.
La loi de finances pour 2025 a aménagé le régime de la DEP afin d’exonérer, à hauteur de 30 %, la réintégration des sommes déduites si elles sont utilisées en cas de survenance d’un aléa climatique, sanitaire ou environnemental ou d’une calamité agricole (Loi 2025-127 du 14-2-2025 art. 66).
Ce dispositif serait prorogé jusqu’au 31-12-2028. Comme le souligne l’exposé des motifs, cette prorogation se justifie d’autant plus que les paramètres de la DEP ont été renforcés par la loi de finances pour 2025.
Prorogation du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique (art. 10, I-E)
Les entreprises agricoles bénéficient d'un crédit d'impôt au titre de chacune des années 2011 à 2025 au cours desquelles au moins 40 % de leurs recettes proviennent d'activités agricoles visées à l’article 63 du CGI relevant du mode de production biologique conformément aux règles fixées par le règlement (UE) 2018/848 du 30 mai 2018. Le crédit d'impôt s'élève à 4 500 € (CGI art. 244 quater L). Pour les entreprises percevant une aide à la production biologique en application du règlement (UE) 2021-2115 du 2 décembre 2021, le total des aides perçues et du crédit d'impôt ne peut excéder 5 000 €.
Ce crédit d’impôt serait prorogé de deux ans, soit jusqu’en 2027. Comme le souligne l’exposé des motifs, cet avantage fiscal s’inscrit dans un large écosystème d’aides permettant d’apporter un soutien important au mode de production biologique.
Exonérations pour indemnités d'abattage des animaux (art. 10, I-C et I-D et IV)
Le projet de loi de finances propose de permettre à l’exploitant agricole relevant de l’impôt sur le revenu (CGI art. 75 0-D nouveau) ou de l’impôt sur les sociétés (CGI art. 208 octies nouveau), qui subit un abattage pour raisons sanitaires d’animaux affectés à la reproduction de son cheptel, d’être exonéré d’impôt sur les plus-values ou sur les profits sur stock dégagés à cette occasion, sous condition du réemploi de l’indemnité perçue à la reconstitution de ce même cheptel. Le bénéfice de ces deux exonérations serait subordonné au respect du règlement (UE) 2022/2472 de la Commission du 14-12-2022 déclarant certaines catégories d’aides dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Comme toute création de dépense fiscale nouvelle, cette mesure serait prévue pour une durée de 3 ans conformément à ce que prévoit la loi du 18-12-2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. La mesure s’appliquerait à l’impôt sur le revenu dû au titre des années 2025 à 2027 et à l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices ouverts entre le 1-1-2025 et le 31-12-2027.
Sécurisation de la provision pour hausse de valeur du stock de vaches laitières et allaitantes (art. 10, I-B)
Pour les exercices clos du 1-1-2023 au 31-12-2024, les exploitants pouvaient pratiquer une déduction de 150 € par vache laitière ou allaitante inscrite en stock, lorsque la valeur de ce stock à la clôture de l’exercice excède de 10 % sa valeur à l’ouverture de l’exercice ou de l’exercice précédent (Loi 2023-1322 du 29-12-2023 art. 70). Cette déduction avait pour objectif de limiter les effets sur la détermination du résultat imposable des méthodes de valorisation de ces stocks en période de forte inflation.
La loi de finances pour 2025 a transformé cette déduction (Loi 2025-127 du 14-2-2025 art. 66) en créant une provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières ou allaitantes (CGI art. 73 A). Le montant de la provision est égal à la hausse de valeur constatée au cours de l’exercice au titre de chacune des catégories d’animaux concernées (vaches laitières ou allaitantes) inscrits en stock. Le montant total de la provision pratiquée au titre d’un exercice ne peut pas excéder un plafond de 15 000 €. La provision peut être pratiquée au titre des exercices clos à compter du 1-1-2025 et jusqu’au 31-12-2028.
Selon un communiqué du Gouvernement du 1-4-2025, la provision a pu être pratiquée pour les exercices clos à compter du 1-1-2024 (et non 2025 comme prévu dans la loi de finances), son application étant exclusive de la déduction. Il avait été précisé à cette occasion que les exploitants n’ayant pas encore souscrit leur déclaration de résultat de l’exercice clos en 2024 pouvaient donc choisir entre ces deux mécanismes.
Le projet de loi de finances pour 2026 propose des ajustements sur ce dispositif pour en préciser et en sécuriser la portée. Il inscrit à cet effet dans la loi l’application anticipée de la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes, afin de sécuriser les exploitants agricoles qui auraient anticipé les effets du dispositif dès les exercices clos à compter du 1-1-2024, conformément aux engagements du Gouvernement. Il est à nouveau précisé que l’application de la provision est exclusive de la déduction.
Cette disposition législative régularise une tolérance déjà admise en doctrine (BOI-BA-BASE-20-30-20-20 n° 1 du 13-8-2025), qui permet d’apporter un soutien immédiat au secteur bovin dans un contexte de décapitalisation des cheptels.
Transmissions de biens ruraux (art. 10, III)
L'article 70 de la loi de finances pour 2025 a relevé les limites de cette exonération partielle de mutation à titre gratuit des transmissions à titre gratuit de biens ruraux donnés à bail à long terme ou à bail cessible hors du cadre familial ainsi que celles portant sur des parts de groupements fonciers agricoles (Loi 2025-127 du 14-2-2025 art. 70). Ainsi, la limite de la valeur du bien au-delà de laquelle l'exonération passe de 75 % à 50 % a été portée de 300 000 € à 600 000 € en cas de conservation du bien pendant 5 ans et de 500 000 € à 20 M€ lorsque l'engagement est pris pour 18 ans (et non plus 10 ans). Cette mesure devait s'appliquer aux « baux conclus depuis le 1-1-2025 », sans préciser la date de la transmission.
Le projet de loi de finances pour 2026 clarifie la portée de ce mécanisme en prévoyant que le rehaussement des seuils au-delà desquels l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit dus lors de la transmission de biens ruraux donnés à bail rural à long terme est réduite, adopté en loi de finances pour 2025, bénéficierait également à toutes les transmissions intervenant à compter du 15-2-2025, y compris lorsque le bail a été signé avant le 1-1-2025.
© Lefebvre Dalloz